Brame du cerf en Ariège : une nuit (terrifiante) suspendue dans les arbres

Informations

Où? Au Col des Marrous, en Ariège (09063 Le Bosc)

Quand? De mi-septembre à mi-octobre, le matin tôt et en fin d’après-midi / début de soirée


Avertissements et conseils

De mi-septembre à mi-octobre, les cerfs sont en rute et sont donc beaucoup plus agressifs qu’à n’importe quelle autre période de l’année. Il est primordial d’être prudents. S’ils sont généralement craintifs, ce n’est pas le cas à cette période et certains peuvent même charger.

À moins d’être un.e habitué.e des montagnes et de la faune sauvage, je ne vous conseille pas d’aller passer une nuit en tente lors du brame (je ne l’ai moi-même fait uniquement parce que mon copain est un montagnard avéré). En revanche, certains organismes proposent des excursions afin de pouvoir profiter de cette expérience unique (avec une nuit en hamac dans les arbres par exemple), et sont tout à fait recommandables et sécurisés.


Vous pouvez aussi vous y rendre en voiture et essayer de les observer du bord de la route, en restant près de votre véhicule. Il m’est arrivé plusieurs fois d’en voir à quelques mètres de la route, voire sur la route-même. C’est tout aussi impressionnant, mais sécurisé.

Pour cela, je vous conseille de prendre la route qui monte au col des Marrous. C’est un des endroits où il y en a le plus en Ariège. Vous êtes presque sûrs (ça reste la nature, impossible à prédire) d’en entendre, si vous y allez en début de matinée ou de soirée. Pour les voir, je ne vais pas vous le cacher, cela relève toujours plus ou moins de la chance, mais si vous restez discrets, silencieux et respectueux des lieux, ils devraient être plus aptes à se montrer.



Le brame du cerf: qu’est-ce-que c’est

Septembre, ça a toujours été synonyme de rentrée. Morose de quitter la chaleur de l’été, et toujours un peu triste de retrouver l’automne et ses courtes journées. La fin des longues soirées, des maillots de bain mouillés et des ciels étoilés.

Pourtant, depuis deux années désormais, septembre a une toute autre saveur. Une saveur d’aventure, de nature, de quelque chose de prolongé. Comme si on m’offrait un bonus, le temps de quelques instants.


J’attends toujours le top départ. Que l’on me dise que ça y est, le brame a commencé. Généralement, c’est à partir du 15 septembre. Pendant un mois, les cerfs vont être en rute, nuit et jour, constamment. Ils mangeront peu et perdront jusqu’à 25% de leur poids. Tous leurs efforts seront mis dans leur reproduction, pendant un mois seulement. Après, plus rien. Un pic de testostérone qui va les rendre immensément puissants, territoriaux et, rarement mais tout de même, agressifs.

Pendant un mois, ils vont émettre un cri rauque, lourd et intense, afin d’attirer les femelles et d’évincer ses concurrents. C’est ce qu’on était venus entendre, l’année dernière, en ce doux week-end de septembre.

Ma rencontre avec le roi de la forêt : une expérience unique

Ça y est, on est mi-septembre. Ça faisait plus d’un mois que j’attendais ce moment, avec impatience.

Nos affaires sont prêtes depuis ce midi: tente, duvet, mousquetons, pulls chauds, sandwich, réchaud et café. C’est notre rituel, depuis deux années. Du samedi soir au dimanche fin de journée, on fait la route jusqu’à un endroit peu connu, juste au-dessus de Foix. Le Col des Marrous. Un lieu où les cerfs sont nombreux, et où le brame est réputé pour être impressionnant.


Le long de cette longue route de montagne, on aperçoit, déjà, de jolis villages en pierres, plus petits les uns que les autres. Des hameaux, pour certains. C’est le charme de l’Ariège que j’aime. C’est sur cette route, que ma mère a déjà vu un cerf, une fois, en fin de journée. Mais c’est rare, je préfère le souligner.

En haut du col, il y a un parking, juste à côté de l’auberge. L’Auberge des myrtilles. On peut y passer la nuit, ou simplement y déguster l’azinat, plat typique d’Ariège (je vous le conseille fortement, comme tout le reste de la carte, d’ailleurs). C’est ce qu’on fera, le lendemain midi, face aux montagnes, sous les doux derniers rayons d’été.

Bref. Nous voilà partis, matériels et provisions sur le dos, nous enfoncer dans la forêt. C’est à la fois impressionnant et terrorisant, je ne vais pas le cacher. Sous les arbres, les derniers rayons de soleil passent à peine. Il fait sombre, frais, et chaque bruit me fait sursauter. Ce n’est souvent qu’une feuille ou qu’un écureuil, juste à côté, mais tout me parait disproportionné. Je crois que c’est l’effet que ça fait, quand on est flippé.es.

Au bout de quelques minutes, on commence, déjà, à entendre quelques cris. C’est impressionnant.

En contrebas, j’en aperçois deux se courir après. Loin, très loin certes, mais j’entends le bruit des feuilles craquer jusqu’à moi. On se fait tout petits, nous ne sommes que des invités ici.

C’est au détour d’une clairière qu’on aperçoit, vraiment, notre premier mâle. Il n’est pas agressif, ne bouge même pas lorsque l’on se rapproche. On sort les jumelles, pour ne pas le déranger. Quel animal. Quelle puissance, quelle beauté. Il dégage quelque chose de spécial, d’impalpable. Je crois que c’est vraiment lui, le maître de la forêt.


C’est quelques centaines de mètres plus loin que l’on choisit de s’arrêter pour la nuit. Entre 4 arbres, s’il l’on veut tendre la tente, et au milieu d’une clairière, pour avoir le plus de chances de les voir (c’était une erreur, je vous dis pourquoi plus loin).

C’est long, de monter une tente suspendue. Il faut grimper aux arbres, tendre des fils pour ne pas qu’elle tangue sous nos poids, tout cela entourés des cris qui résonnent de plus en plus forts dans la montagne. On les entend se répondre, et chaque bruit se répand dans toute la forêt par les échos plus puissants les uns que les autres. Il commence à faire nuit, en plus. C’est vrai, qu’en septembre le soleil commence à se coucher tôt. Aux alentours de 20 heures, il fait déjà nuit. Ça va être long, jusqu’à demain matin.

Ma nuit avec les cerfs : une des plus longues et terrifiantes de ma vie

La nuit est terriblement longue. À travers la tente, on peut voir la forêt, les arbres, la lune. Elle est pleine ce soir en plus. On a choisi une tente transparente, exprès. Exprès pour voir les cerfs, si jamais. Je crois que ça me rassure, finalement, de pouvoir voir l’extérieur. Autrement, c’est bien trop terrifiant - entendre les cris, les bruits de pas, le claquement des bois qui s’entrechoquent, tout près, sans savoir où précisément. On a mis un cordon de sécurité, autour de la tente. Pour éviter de se faire embrocher, si deux mâles venaient à se bagarrer.

Toute la nuit, je ne dors que par intermittence. Je crois que je me réveille toutes les heures, au moindre bruit, au moindre pas, au moindre cri. À côté, mon chéri ronfle profondément, lui. Peut-être que ça fait ça, quand on est né dans la montagne. La nature, le sauvage, ne nous effraie plus. Il y dort mieux, même, plus paisiblement. C’est ce qu’il en dit, en tout cas.

À un moment, je me réveille en sursaut. À une vingtaine de mètres, un cerf est en train de brâmer. La puissance du son, le hérissement des poils que ça engendre - instantanément, c’est indescriptible. Pourtant, je ne le vois pas. Impossible de le deviner. Il est en lisière de forêt. Il nous a vu, je pense. C’est ça, notre erreur, de nous être mis au milieu de la clairière. On pensait pouvoir mieux les voir, mais c’est l’inverse qui s’est produit. Ils nous voyaient, alors ils ne sont pas venus. Pas si agressifs, tout compte fait. Avec le recul, je pense qu’on aurait du se mettre en lisière de forêt, clairière en vue. Là, peut-être, on en aurait vu.


Cette nuit-là, dans la montagne, avec le cri des cerfs, je me sens toute petite. Minuscule, face à l’immensité de la nature. C’est ce que ça me fait, généralement, lorsque je dors en tente. Mais cette fois-ci, c’est décuplé. Le brame rend tout plus intense, plus puissant, plus effrayant.

Alors j’attends, et je compte les heures. Il n’y a rien d’autre à faire, de toute façon.

L’émerveillement après la tempête

C’est le lendemain matin, que la peur laisse place à l’émerveillement, à l’excitation. L’excitation de l’avoir fait, d’être restée dans cette tente, toute la nuit. Une fois la peur passée, ça a une saveur unique. Une saveur d’aventure, une saveur de jouissif.

Le ciel reprend enfin des couleurs dorées, la lune laisse enfin place aux premiers rayons du soleil et la forêt, à son tour, retrouve des teintes orangées. La lumière est magnifique. Alors je reste encore quelques instants, à profiter, à admirer le soleil se lever, à écouter les cris des cerfs se calmer, à voir la forêt reprendre sa douceur de la journée.

Le café a un autre goût, ce matin-là.

Un goût de dépassement, de réconfort, comme si je flottais sur un doux nuage moelleux après un violent orage. Je crois que c’est toujours ça, ce que ça fait.

Malgré la peur, le stress et le manque de sommeil, la beauté et l’intensité de la nature reprennent toujours le dessus - toujours. À nous en faire oublier les heures à avoir la gorge nouée et le ventre serré.

C’est quand même bien fait.


J’espère que cet article vous aura donner envie d’aller écouter le brame du cerf, une expérience spéciale et unique que je ne peux que recommander de vivre au moins une fois dans sa vie. Faite de manière sécurisée et respectueuse des animaux, c’est la promesse d’une aventure exceptionnelle à seulement quelques kilomètres de chez vous.

En attendant, je vous dis à la semaine prochaine pour un nouvel article!

À très vite,

Florine

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Un dimanche en Ariège : entre montagnes et traditions